Mains d'enfant, souvent rétives, parfois cruelles,
Tachées d'encre — pauvre cahier ! — à en pâlir,
Mains d'ado, timides devant les jouvencelles,
Hésitantes, craintives, n'osant pas s'offrir,
Mains honteuses de leurs pulsions naturelles,
Instruments encombrants d'un naturel désir,
Mains ensorcelées par la peau de leur belle,
Caressant, cajolant, sans vouloir retenir,
Mains-aimants, douces, câlines, sensuelles,
Cherchant le doux frisson et offrant le plaisir,
Mains rassurantes, affectueuses, paternelles,
Fermes, tendres, toujours prêtes à secourir,
Mains à jamais tendues à qui veulent bien d'elles,
Expertes à toucher, apaiser et guérir,
Mains riant de la fuite du sable rebelle,
Ouvertes, prônant respect, liberté, sourire,
Mains si fières d'avoir manié pioches et pelles,
Mains calleuses de paysan, cultivant sans gémir,
Mains d'artisan, amies des rabots et truelles,
Gâchant ciment et plâtre, tapissant pour finir,
Mains tutoyant l'anonyme clavier, virtuelles...
Rassurant l'égaré, seul espoir d'avenir,
Mains agiles, en quête d'action perpétuelle,
Bientôt fanées, ne pouvant hélas plus s'ouvrir,
Mains vieillissantes, touchant le haut de l'échelle,
Souffrantes, tremblant à l'idée de s'engourdir,
Mains jointes sur la poitrine, ô destin cruel,
Glacées, ne pouvant plus désormais rien offrir...
Une ultime fois, des mains toutes chaudes, elles,
Vous serreront, avant de vous laisser partir
Rejoindre des aînés les âmes éternelles,
Qui, mains tendues, s'apprêtent à vous accueillir.
© Robert Gastaud, janvier 2008