Il en a entendu des confidences, ce vieux banc accueillant ! Il pourrait nous en raconter des histoires d'amour débutantes où la fougue des adolescents le malmène durement, à l'heure où seul le lampadaire du coin de la rue donne sa faible lumière. Il pourrait nous en dire des rencontres furtives ou des déchirements. Mais il est bien trop occupé à boire cette connivence qui s'exprime si simplement par un échange de doux regards, une main qui court dans les cheveux ou un tendre baiser. Il tend l'oreille, mais les caresses remplacent les mots... Pour un peu, il s'endormirait et rêverait de partir avec eux, loin peut-être, vivre une nouvelle vie.
Las... le soleil tourne et tout à coup les inonde. Les voilà qui abandonnent sans regret ce compagnon d'un moment. Ignorant son désarroi, ils s'éloignent, le laissant frissonner de dépit, malgré le feu du ciel qui le brûle maintenant.
Sans amertume, même si, toujours, il en a le cœur déchiré, le vieux banc se repaît de ce spectacle dont il ne se lassera jamais : ces tendres amants qui l'ont déjà oublié et lui tournent le dos comme tant d'autres avant eux, allant main dans la main, le nez en l'air, l'esprit serein, puis disparaissent là-bas, sous la voûte, au détour de sa si belle et si calme ruelle.
Alors, l'esprit encombré d'anecdotes nombreuses, il se prend à imaginer, une fois encore, qu'un passant voudra bien un jour l'en débarrasser, et écrire ses mémoires...
© Robert Gastaud - juin 2008